Chartreuse d’Ittingen, Warth TG, 1980. Photo: Georg Mörsch, Bildarchiv ETH-Bibliothek

La critique de la frénésie constructive et des dégâts visibles dans le milieu bâti et le paysage s’accompagne d’un net renforcement de la conservation des monuments historiques en Suisse. Le succès éclatant de l’Année européenne du patrimoine architectural en 1975 peut, rétrospectivement, être considéré comme le moment où cette préoccupation s’établit sur les plans sociétal et politique. La même année, la Suisse ratifie la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de l’UNESCO.

Assez rapidement, tous les cantons créent des services spécialisés dans la conservation des monuments historiques ou nomment au moins une personne responsable de ce domaine au niveau cantonal. Les cantons et les communes commencent à inventorier systématiquement les bâtiments de (grande) valeur. Le recensement architectural ne se limite plus aux fières maisons bourgeoises ou aux fermes historiques, mais comprend également des réalisations de l’historicisme et du Jugendstil, longtemps dédaignées. Dans les années 1980, les bâtiments de l’entre-deux-guerres – notamment ceux du mouvement moderne (Neues Bauen) – reçoivent également l’attention nécessaire.

La protection des sites construits fait son entrée dans l’aménagement du territoire. Des zones centrales faisant l’objet de règles spéciales sont délimitées dans les plans de zone et les règlements sur les constructions. Parallèlement, la Confédération donne au début des années 1970 le mandat d’élaboration de l’ISOS, l’inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse. Au fil des ans, plus de 6000 sites construits sont recensés et évalués dans toute la Suisse selon une méthode uniforme.

Le métier de la conservation et de l’entretien des monuments et des sites s’apprend sur le tas. Les approches suivies sont très individuelles. Les mesures vont de l’évidement complet des bâtiments à l’entretien sensible de l’existant en passant par une architecture servile, fidèle à la volumétrie préexistante. Ici les interventions sont cachées, là elles sont mises en scène à titre de nouvel élément.

Reconstruction Limmatquai 48, Zurich, 1983. Photo: Georg Mörsch, Bildarchiv ETH-Bibliothek